8 mars 2009

Quand l'autre est une chose

Décryptage de Douceur angevine

Certaines églises romanes du sud de la France sont ornées de sculptures curieuses montrant des personnages empoignant des pénis disproportionnés. Contemporaines des croisades, il s’agit de caricatures de l’ennemi : l’arabe occupant les lieux saints de la chrétienté. L’arabe, l’ « autre », est ainsi représenté sous les traits d’un être avili par une pratique masturbatoire jugée particulièrement choquante à l’époque. Les sculptures, qui constituent un matériel de propagande, visent à discréditer, chosifier un ennemi, qui, rabaissé au rang de bête fornicatrice, n’est plus du tout un être humain à l’égal de soi. Le but de cette iconographie est de libérer les croisés d’une conscience encombrante, la destruction de cet autre répugnant devenant pour eux une œuvre sanitaire et civilisatrice. Plus près de nous, ce rabaissement propagandiste de l’ « autre » trouve un paroxysme avec les exactions commises en 2006 dans la prison irakienne d’Abou Graïb.

Le procédé dégradant est loin d’affecter les seuls rapports entre l’Occident et l’Orient. Il n’est pas non plus circonscrit au seul domaine de la guerre. En fait, il peut s’observer, à des degrés divers, en tout temps et en tout lieu de conflit interhumains. Ainsi du milieu a priori paisible d'une école sociale française, où, dans un texte marquant la fin brutale de ma formation, Muriel Brzegowy, Patrick Lehoux et Christian Stéphan, dressent de moi un portrait problématique, empreint de condescendance, dans lequel je n’apparais pas comme un être intelligent, sensible, critique, mais comme une espèce de handicapé caractériel.

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